Association des médiévistes anglicistes de l’enseignement supérieur (AMAES)

Responsables :

Dino Meloni (Panthéon-Assas)

Tatjana Silec-Plessis (Paris-Sorbonne)

 

Atelier I

Jeudi 7, 15h30-18h30

Salle C305

 

Séance 1 : modérée par Tatjana Silec-Plessis (Paris Sorbonne Université, CEMA)

 

15h30

Dino Meloni

Université Panthéon-Assas (CEMA)

Medium aevum, tempus imaginarium. From Brutus to Brexit: nationalism, reactionism and identitarianism

If British political sovereignty was at the heart of the Brexit vote – which many have perceived as a populist revolution, the referendum also seems to have confirmed a shift in British historiographical sovereignty. The democratic process enabled the people to elect an ideological construct and representations of the past which shape a specific understanding of British history. The result of the election ultimately translates a will to uphold the vision of a lost but glorious pre-1973 age over a more immediate but decadent and corrupt period. Such a periodisation of history — which involves references to a fantasised past — is not uncommon. The Middle Ages are the product of a similar mechanism which was driven by writers and artists of the Renaissance and the modern era, and similar lines — such as the Northumbrian or the Alfredian renaissances for instance — have also been drawn within British medieval history itself. Interestingly, the term “renaissance” has recently been used to allude to post-referendum Britain. This paper will reflect on references to Brexit both as a “renaissance” and as a “populist revolution”, in relation to the historiographical concept of translatio imperii et studii (i.e. the transfer of power and knowledge). It will suggest that political and intellectual elites have lost their monopoly over British historiographical sovereignty through the influence of mass media and social networks, generating an adequate environment for reactionary, nationalist or identitarian ideology to expropriate the Middle Ages and expand in a new way.

 

15h50

Nolwena Monnier

IUT Midi-Pyrénées / CEMA (Sorbonne Université)

Les langues « étrangères » dans les chroniques anglaises des XIe, XIIe et XIIIe siècles : Une révolution linguistique ?

Les chroniqueurs anglais ont été nombreux à rédiger des chroniques de diverses natures tout au long des XIe, XIIe et XIIIe siècles. Ces chroniques furent quasiment exclusivement rédigées en latin. Et pourtant, d’autres langues pullulent dans ces ouvrages, des langues « étrangères » au latin. La présente communication examinera les langues « étrangères » présentes dans ces chroniques. Après les avoir répertoriées, j’analyserai à quelle fréquence elles furent utilisées. Je m’interrogerai aussi sur un aspect en particulier : y a-t-il eu des chroniqueurs plus plurilingues que d’autres et pourquoi ? Cela tient-il à la nature des chroniques et/ou au profil, à l’identité du chroniqueur ? Quelles raisons ont-elles pu conduire ces derniers à utiliser ces langues ? À quels usages étaient-elles dévolues ? Je tenterai ainsi de dégager des constantes dans cette présence de langues « étrangères » dans les chroniques de l’aire anglaise.

 

16h10

Martine Yvernault

Université de Limoges (EHIC)

Révolutions ou évolutions ? Chaucer et la définition de l’évolution et de l’innovation

Maintes références scientifiques incitent à lire certains contes de Chaucer comme une reconnaissance de la permanence du monde créé qui tiendrait cependant compte des innovations techniques qui apparaissent à la fin du Moyen Âge et d’une perception de l’espace terrestre et cosmique en évolution. Le Traité de l’Astrolabe, que Chaucer destinait à son fils reflète à la fois le respect du Moyen Âge pour la tradition, les inventions techniques et les savoirs anciens, et l’usage des instruments dans l’approche pédagogique dans laquelle l’enseignement n’était pas que la transmission d’un savoir mais se fondait aussi sur le recours à des outils/objets qui venaient renforcer la transmission. À travers ce traité, Chaucer ne nous offre-t-il pas matière à réfléchir sur les (r)évolutions qui s’opèrent dans la lecture, la compréhension et la didactique de textes plus ou moins anciens, qui s’exprimèrent pour Chaucer par le recours à l’astrolabe, tandis qu’elles se traduisent aujourd’hui pour nous par l’usage des outils numériques recommandés par les approches contemporaines des textes de Chaucer ?

 

16h30

Discussion et pause

 

Séance 2 : modérée par Dino Meloni (Université Panthéon-Assas, CEMA)

 

17h

Florence Bourgne

Paris-Sorbonne Université (CEMA)

John Ball’s Letters : A Revolution ?

 

17h20

Tatjana Silec-Plessis

Paris-Sorbonne Université (CEMA)

The printing revolution and its effects on language standardisation throughout Europe in the 15th century

One of the major consequences of the (re-)invention of the printing press by Gutenberg in the 15th century was the standardisation of language, a revolution which ushered in the Renaissance in many European countries and gave it a boost in others. However, while “processes of standardization seem to have benefited the powerful in society”, they “were not developed with a linguistic, ideological, or state target in mind” (Graham Hall), mostly because they occurred too quickly. In England, eccentric printers-cum-translators such as William Caxton therefore had a tremendous (albeit accidental) influence on the evolution of the English language, an influence which the later King’s printers could not completely erase. Did the same thing happen in the other European countries where the first printing presses appeared (Germany, France, Italy or the Netherlands) or did traditional authorities there gain control more quickly over standardisation processes which had often started without them?

 

17h40

Cécile Decaix

Université Paul-Valéry – Montpellier 3 (IRCL)

Cultural and technological revolutions in William Caxton’s Eneydos (1490)

In 1490 in London, William Caxton published Eneydos, an English translation of a 1483 French anonymous printed book entitled Le Livre des Enéydes compilé par Virgille, lequel a esté translaté de latin en François, a patchwork of different texts in which Dido is a central figure. In the Livre des Enéydes (and therefore also in the Eneydos), two mythographic episodes have been inserted, which connect Dido with the invention of writing and with the importance of transmitting texts. They also offer a ‘revolutionary’ representation of a famous character. These additions serve Caxton’s purposes well as he was trying to create a market for the printed book. He also published Eneydos at a time when the Querelle des Femmes was raging throughout Europe, and his translation was also a way for him to bring the debate to England. The materiality of the printed book and the story it tells are inextricably linked and this has an impact on both Caxton’s and his readers’ reception of what is originally advertised as a translation of Virgil’s Aeneid.

 

18h: Discussion

 

Appel à contributions

Dans un esprit d’ouverture à d’autres disciplines, voire d’autres époques, dans l’esprit du sujet choisi par la SAES cette année, l’atelier de l’AMAES acceptera pour la première fois des contributions portant sur des sujets hors de son cadre habituel tant dans l’espace (élargissement à l’Europe tout entière) que dans le temps. Les contributions pourront ainsi porter sur les périodes se situant immédiatement avant et après le Moyen-Âge, à condition qu’elles comportent tout de même des références à la période médiévale britannique.

Le terme « revolution » n’apparait pas dans la langue anglaise avant le XIVe siècle. Le mot est emprunté au français revolucion qui est issu du latin revolvere. Au Ier siècle avant Jésus-Christ, le verbe est employé pour décrire l’action de faire reculer, de ramener ou encore de dérouler un manuscrit. Au sens figuré il prend le sens de « revenir sur quelque chose » (par la pensée ou la parole). En latin médiéval, l’acception de revolutio devient à la fois scientifique et religieuse puisqu’elle renvoie au mouvement des corps célestes ainsi qu’à la transmigration des âmes (ou métempsycose). La première trace du mot « revolution », utilisé pour signifier un brusque changement dans l’ordre social, date de 1450. Pour autant, cet emploi ne devient courant qu’à partir de la fin de XVIIe siècle.

De prime abord, il semblerait alors que l’utilisation du terme « révolution » dans un contexte médiéval soit anachronique. Néanmoins, ne pourrait-on pas aujourd’hui qualifier de révolution ou de révolutionnaire certains rapports de force qui ont pu exister en Angleterre au Moyen Âge et dont les enjeux furent le bouleversement de l’ordre politique et sociétal établi, la transformation économique du pays et les grands changements institutionnels et juridiques ? Certaines aspirations ne pourraient-elles pas, de nos jours, être considérées comme révolutionnaires pour l’époque ? Ainsi, l’historien Christopher Dyers décrit-il la période suivant l’épidémie de peste noire comme : « a time of liberation, when old restraints were removed and new freedom of choice opened ». La Révolte des paysans de 1381 ne serait-elle pas en fait une révolution ratée ?

En matière religieuse, le thème soulève la question de la reformatio et l’on pourrait explorer les différentes idées réformistes portées au sein de l’Église qui, entre le XIe siècle et le concile de Latran IV (1215), revendique la libertas ecclesiae et cherche à purger un système gravement corrompu. En ce sens, la pensée chrétienne se heurte à la pensée romaine. La première, puisée dans la virtus, souligne l’aspect catastrophique et corrompu du pouvoir mis en place par la seconde. On retrouve alors les premiers signes d’un refus de la tradition grégorienne qui considère la création de l’humanité comme accidentelle. Au XIIe siècle, l’Homme devient le couronnement de la création divine et le miles litteratus doit représenter les qualités de l’homme vertueux, idéal, tel qu’il est dépeint dans le Policraticus de Jean de Salisbury. Plus tard, avant la Réforme, ce sont les Lollards qui, à partir du XIVe, vont tenter de transformer l’Église en profondeur. Certaines de leurs idées, comme la traduction de la Bible en langue vernaculaire ou l’abolition du célibat des prêtres, caractérisées alors comme hérétiques, n’étaient-elles pas révolutionnaires ? Quid des hérésies, dans ce cas ? Sont-elles d’emblée révolutionnaires, au moins potentiellement ? Peut-on considérer le terme de « réformation » comme l’équivalent médiéval acceptable du mot « révolution », — acceptable au sens où il peut être l’objet d’une réflexion au Moyen-Âge par d’aventureux penseurs ?

Dans un registre moins sulfureux, « Révolution(s) » peut également être lié à la renovatio culturelle anglaise. De plus, si le thème évoque à la fois une rupture et un retour au point de départ, il en de même pour le terme « renaissance », utilisé pour caractériser, en même temps, un bouleversement intellectuel, la rupture avec un passé immédiat et la redécouverte d’un passé lointain glorieux. Ainsi des réflexions pourraient être menées sur le sens des renaissances northumbrienne, alfrédienne ou encore du XIIe siècle. Celles-ci ne révèlent-elles pas certaines caractéristiques similaires aux révolutions cultuelles ?

Par ailleurs, c’est le rapport entre oralité et écrit qui évolue au cours du Moyen Âge. Certains historiens qualifient de « première révolution de l’écrit » la multiplication des textes entre les XIe et XIVe siècles — mais l’évènement révolutionnaire par excellence de la toute fin du Moyen Âge pour ce qui est de l’écrit reste bien entendu l’invention de l’imprimerie, évènement qui pourra être étudié sous l’angle civilisationnel, technologique aussi bien que dans ses répercussions sur la production littéraire qui suivit. Avant cela, la professionnalisation de la fabrication des manuscrits peut également être considérée comme un profond bouleversement, même s’il fut plus discret et progressif. Comment les monastères, dont c’était une source importante de revenus et de prestige, l’ont-ils vécu ? Ont-ils tenté de combattre cette compétition nouvelle ou se sont-ils inclinés devant elle ?

En linguistique, on pourra comparer les influences respectives des langues parlées par les envahisseurs scandinaves ou normands à des périodes différentes sur l’anglais : faut-il y voir une évolution naturelle chahutée par l’histoire ? Un cataclysme à la portée uniquement négative (dans le cas de l’arrivée des Normands et du remplacement de l’anglais par le français dans les cercles politiques et littéraires), comme certains auteurs, tel J. R. R. Tolkien, ont pu le considérer ? Et le retour à la langue vernaculaire dans la littérature anglaise comme une renaissance ? On pourra aussi se pencher sur la fin de l’anonymat des auteurs, qui indique un changement profond dans le rapport au passé et aux auteurs canoniques, et représente une forme de libération. On pourra également se poser la question des révolutions « qui n’ont pas eu lieu » ou alors beaucoup plus tard que dans d’autres pays européens : pourquoi les auteurs de langue anglaise ont-ils privilégié tout au long du Moyen-Âge les formes versifiées pour conter leurs histoires plutôt que la prose, ou si ce n’est la prose, tout au moins des formes structurées d’une manière qui préfigure le roman moderne, — formes pourtant préférées très tôt par beaucoup d’écrivains français, dont les œuvres furent plus tard traduites en vers en Angleterre ?

Finalement, c’est le sens même de « Moyen Âge » qui semble avoir été inversé. Le chrononyme, proposé par les renaissants aux XIVe et XVe siècles et utilisé comme formule hiérarchisante pour périodiser l’Histoire, ne renvoie plus aujourd’hui à cet âge moyen, décadent et dénué d’intérêt, défini par opposition aux rayonnements culturels qui le précèdent et qui le suivent. Les études portant sur le « médiévalisme » (néologisme renvoyant vers les références du Moyen Âge dans le monde contemporain) indiquent, au contraire, une véritable fascination pour le Moyen Âge dans la culture populaire anglophone. Celle-ci a su rendre la période bankable quitte à, parfois, la réinventer.

Néanmoins, il parait tout aussi essentiel de s’interroger sur l’instrumentalisation du Moyen Âge dans certains mouvements politiques depuis le XIXe siècle, qu’ils soient révolutionnaires, indépendantistes, réactionnaires et d’extrême droite, au Royaume-Uni et dans tout le monde anglophone. Une appropriation visible aussi bien dans les écrits de penseurs socialistes tel William Morris qui revisitait les revendications populaires du XIVe siècle dans son pamphlet A Dream of John Ball en 1892 que dans les discours des mouvements suprémacistes d’aujourd’hui, qui, dans une perspective totalement différente, s’approprient un Moyen Âge européen en grande partie fantasmé.

Enfin, d’autres approches historiographiques ont été proposées et l’apparition de nouvelles technologies a ouvert de nouvelles pistes en modifiant les méthodes de recherche et d’enseignement. On parle aujourd’hui de digital medieval studies. Comment alors appréhender au mieux cette révolution numérique, faire progresser les recherches en études médiévales anglaises et promouvoir la discipline ?

Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir transmettre vos propositions à Tatjana Silec Plessis et Dino Meloni avant le 30 janvier 2017.

Les contributions feront l’objet d’une publication ultérieure dans le BAM.

Les propositions doivent comprendre un titre, un court résumé et les principales références bibliographiques pertinentes, le tout n’excédant pas une page. Nous vous remercions de ne pas indiquer vos nom et appartenance institutionnelle dans le document lui-même, mais uniquement dans votre courriel.